A la recherche des électeurs de Nicolas Sarkozy

24 avril 2012

Ils étaient là, parmi les citoyens qui faisaient la queue dans les bureaux de vote de Sucy-en-Brie, ce dimanche 22 avril. Etait-ce lui ou bien elle ? Impossible à savoir. Ils étaient forcément anonymes, les électeurs de Nicolas Sarkozy, mais bien présents. Près d’un votant sur trois, 31,9 % exactement, a-t-on su après  le dépouillement.

Photo Lucien Lung.

Pendant des semaines, nous leur avons couru après, en vain. Nous avons essayé de les rencontrer, d’engager la conversation avec ces fidèles. Ils étaient muets, en dehors des encartés, bien sûr. Et encore. « Même des militants vont voter sans enthousiasme », assurait l’un d’eux. Discutant ensemble, des jeunes qui distribuaient des tracts sur le marché maugréaient d’ailleurs contre le fait que la vieille garde du parti ne se mouillait guère, cette fois.

Après de multiples rebuffades, venait alors la nostalgie de 2007 quand, pour sonder l’opinion, il suffisait de laisser venir. On scrutait Auxerre à l’époque mais cela devait être pareil ici : sans même être sollicités, les électeurs de Nicolas Sarkozy affichaient leur choix et leurs espoirs, déclinaient nom et prénom avec fierté. Sucy avait donné 57,5% des voix au second tour à l’actuel chef de l’Etat. Un presque plébiscite.

 

© Fabrice Gaboriau

Aujourd’hui, évoquer le nom du président amène souvent une gêne, une tentative pour dévier la conversation.  S’expriment à l’occasion des critiques, des marques de déception, voire d’aigreur. « Il déconne », lâche un homme. On tourne en dérision les slogans de 2007, les « travailler plus pour gagner plus » et autres. On rejoint volontiers la cohorte des moqueurs qui fustigent « les belles promesses » et rient des talonnettes ou du yacht. Ce petit entrepreneur ne cache pas qu’il attendait bien davantage de l’actuel président.  » Il n’a pas fait grand-chose pour nous. » Et puis il y a un « mais » ou un « mais bon », suivi de points de suspension et d’un silence pensif.

Cinq ans plus tard, le vote Sarkozy n’est plus déclaratif. Il faut le lire plutôt en creux, dans une critique sur la stature de François Hollande, dans un « Il ne me dit rien », dans un « la gauche, moi… », dans un « Ce ne sont pas les socialistes qui vont réduire les déficits », glanés, volés ici ou là dans la conversation. Il faut le déduire d’une remarque sur « les charges sociales ou les impôts qui vont pleuvoir », lancée par une commerçante. Il faut le décoder dans le constat fait par cet homme que « la France s’en sort mieux que d’autres pays dans la crise », comme un hommage voilé.

Le bulletin dans l’urne est le même qu’en 2007 mais c’est ce qu’on en attend qui a changé. On n’est plus « sarkozyste ». On vote à droite, comme on le fait depuis un demi-siècle dans cette ville.

Vincent Giacobbi, représentant des jeunes UMP à Sucy-en-Brie, a distribué suffisamment de tracts pour s’être fait une opinion sur l’humeur de son camp : « Il y a eu plusieurs phases dans la campagne. Celle où les gens nous ont dit avoir été déçus par Nicolas Sarkozy, puis celle où ils se sont rendus compte que François Hollande ne faisait pas le poids. Il y a un vote de raison. Ces électeurs se disent que Nicolas Sarkozy, c’est malgré tout le mieux. »

Le candidat de l’UMP n’est pas sorti indemne du premier tour. Il perd mille voix par rapport à 2007.  Mais  » son score reste important », constate Marie-Carole Ciuntu, maire (UMP) de la commune. « L’état des forces entre aujourd’hui et 2007 ne me paraît pas être sensiblement modifié, ajoute l’élue. Ca va être intéressant de voir le second tour. La lisibilité n’est pas évidente. »

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